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Évangiles du mois 2020-2021-B

Novembre-Décembre 2021: Évangile du dimanche 21 novembre (Christ-Roi)

Évangile de Jésus-Christ selon saint Jean (18, 33b-37)

En ce temps-là, Pilate appela Jésus et lui dit : « Es-tu le roi des Juifs ? » Jésus lui demanda : « Dis-tu cela de toi-même, ou bien d’autres te l’ont dit à mon sujet ? » Pilate répondit : « Est-ce que je suis juif, moi ? Ta nation et les grands prêtres t’ont livré à moi : qu’as-tu donc fait ? » Jésus déclara : « Ma royauté n’est pas de ce monde ; si ma royauté était de ce monde, j’aurais des gardes qui se seraient battus pour que je ne sois pas livré aux Juifs. En fait, ma royauté n’est pas d’ici. » Pilate lui dit : « Alors, tu es roi ? » Jésus répondit : « C’est toi-même qui dis que je suis roi. Moi, je suis né, je suis venu dans le monde pour ceci : rendre témoignage à la vérité. Quiconque appartient à la vérité écoute ma voix. »

Réflexion

L’Évangile pour la solennité du Christ-Roi, dernier dimanche avant l’Avent, est tiré de la passion selon Saint Jean. On observe un va-et-vient de Pilate entre la cour extérieure où se tient la foule et le palais intérieur où se déroule vraiment le procès. Jésus et Pilate se trouvent en tête à tête pour l’interrogatoire. Cette intimité est renforcée par le tutoiement. Pilate pose une question directe: «es-tu le roi des juifs?» Comme à son l’habitude, Jésus répond par une autre question: «est-ce de toi-même que tu dis cela?» Jésus vérifie ainsi la source d’information de Pilate mais surtout le renvoie à lui-même: «est-ce que c’est toi (!) qui dis cela?». Pour moi, c’est là le moment le plus important du procès: «est-ce que tu as intégré que le royaume que je viens instaurer dans le monde ne peut pas être de ce monde?».
Je crois que le Christ a surtout initié une nouvelle voie spirituelle fondée sur la rencontre avec soi-même et transmis un enseignement éthique à portée universelle. Il attend de nous la non-violence, l’égale dignité de tous les êtres humains, la justice et le partage, la primauté de l’individu sur le groupe, la liberté de choix, la séparation du politique et du religieux, la vérité, l’amour du prochain allant jusqu’au pardon et à l’amour de ses ennemis. À travers toute l’histoire de l’humanité et aux quatre coins du globe, un nombre incalculable d’hommes et de femmes ont péri ou se sont mis en danger pour rester fidèles à la vérité et à cette éthique. Tout le paradoxe serait que cette éthique, véritable sagesse et art de vivre à portée universelle n’est pas (ne saurait pas être ?) de ce monde. Elle va néanmoins insuffler une nouvelle manière de penser le monde, de penser l’homme, de penser Dieu aussi. Car pour Jésus, Dieu est Amour et l’amour est indispensable et même supérieur à la foi. Il a révélé pour le monde que «quiconque aime est né de Dieu et connaît Dieu», point final ou plutôt point de commencement pour une ère nouvelle, initiée par Jésus.
Jésus, Roi de l’Univers. Un roi à «réinventer» à chaque épisode de notre vie, de La vie. Ce qui est nouveau, comme le disait si bien Jean SULIVAN, c’est l’intrépidité nécessaire aux chrétiens que nous sommes, le souci de viser la transparence, l’ardeur à créer et à changer pour recréer afin de mieux adhérer à la dimension éternelle et universelle de la Parole. Chrétiens du monde entier, plus dispersés que jamais, moins préoccupés de faire l’histoire que d’y être humblement, s’empêchant de se refermer sur eux-mêmes, restant présents au message du Christ qui les meut, fêtons notre ROI. Expulsés de nombreux territoires qu’eux-mêmes avaient aménagés, conviés à l’exode spontané, plus concentrés sur la Bonne Nouvelle, les chrétiens du monde entier laissent mieux apparaître un sens évangélique, de nouveau plus créateur, plus apte à germer dans tous les territoires, sans idée de nouvelles colonisations. Régulièrement nous percevons des mouvements d’amour universel, parfois certes déchirés entre deux mondes, empêtrés, d’apparences solitaires mais, oh combien, plus profonds, plus prophètes, persécutés ou non.

Prière

Seigneur Jésus, Roi de l’Univers, tu nous appelles aujourd’hui à collaborer avec toi à ton Royaume de vérité, de justice et de paix.
En ce jour où nous célébrons ta royauté à travers les âges, rappelle-nous que tu comptes aujourd’hui encore sur notre témoignage, pour consoler les souffrants, pardonner le mal, pour aimer ceux qui sont seuls et partager avec ceux qui n’ont rien.
Face aux «grands» de ce monde, que la pratique de la bienveillance soit l’orientation de nos vies et de nos relations.
Que ton Esprit Saint nous soutienne, Seigneur, qu’il nous rende sensibles à ta présence et acteurs de ton Royaume, témoins d’Evangile, semences de vie nouvelles et éternelles dont
notre monde a tant besoin.

Jean-Claude SIMON

Septembre-Octobre 2021: Évangile du dimanche 3 octobre (27ème TO)

Évangile de Jésus-Christ selon saint Marc (10, 2-16)

En ce temps-là, des pharisiens abordèrent Jésus et, pour le mettre à l’épreuve, ils lui demandaient: «Est-il permis à un mari de renvoyer sa femme?» Jésus leur répondit: «Que vous a prescrit Moïse?» Ils lui dirent: «Moïse a permis de renvoyer sa femme à condition d’établir un acte de répudiation.» Jésus répliqua: «C’est en raison de la dureté de vos cœurs qu’il a formulé pour vous cette règle. Mais, au commencement de la création, Dieu les fit homme et femme. À cause de cela, l’homme quittera son père et sa mère, il s’attachera à sa femme, et tous deux deviendront une seule chair. Ainsi, ils ne sont plus deux, mais une seule chair. Donc, ce que Dieu a uni, que l’homme ne le sépare pas!» De retour à la maison, les disciples l’interrogeaient de nouveau sur cette question. Il leur déclara: «Celui qui renvoie sa femme et en épouse une autre devient adultère envers elle. Si une femme qui a renvoyé son mari en épouse un autre, elle devient adultère.»

Des gens présentaient à Jésus des enfants pour qu’il pose la main sur eux; mais les disciples les écartèrent vivement. Voyant cela, Jésus se fâcha et leur dit: «Laissez les enfants venir à moi, ne les empêchez pas, car le royaume de Dieu est à ceux qui leur ressemblent. Amen, je vous le dis: celui qui n’accueille pas le royaume de Dieu à la manière d’un enfant n’y entrera pas.» Il les embrassait et les bénissait en leur imposant les mains.

Méditation

Il y a plusieurs manières possibles de lire les textes bibliques, et ce passage de l’Évangile selon Marc en est une illustration. Si je le lis comme on lit une encyclopédie, j’y trouve dans le premier paragraphe des recommandations sur le mariage, et dans le second une apologie de l’innocence enfantine. Pendant longtemps je me suis contentée de ce type de lecture, ‘livresque’, qui réduit les Évangiles et toute la Bible à un livre de sagesse et un code de morale souvent difficile à appliquer et parfois un peu ennuyeux…

Et si en effet les textes bibliques contiennent de nombreuses prescriptions sur ce qu’il est bon – ou pas – de faire dans les différents aspects pratiques de la vie, n’oublions pas, quand nous les lisons, de toujours les resituer dans le contexte historique, géographique et social dans lequel ils ont été écrits – condition indispensable pour pouvoir les interpréter – et éventuellement les actualiser – correctement.

Mais je veux regarder plus loin, et entendre le Souffle du Ressuscité m’interpeller, me mettre à l’écoute de ce qu’il veut me dire à moi, ici et maintenant.

Ce n’est peut-être pas un hasard si ces deux passages qui n’ont apparemment pas de lien – les discussions sur le mariage et l’épisode des enfants – sont juxtaposés dans l’évangile, et si la liturgie nous les propose ensemble dans la version ‘longue’ de la lecture de ce dimanche.

Alors qu’ils n’interviennent apparemment pas quand les pharisiens tentent de mettre Jésus à l’épreuve au sujet d’un point sensible de la loi juive, les disciples écartent vivement ceux qui lui présentent des enfants. Et Jésus se fâche, leur rappelant que le Royaume de Dieu appartient à ceux qui ressemblent aux petits enfants qui vivent à fond l’instant présent, ne calculent pas, sont capables d’émerveillement et font naturellement confiance aux personnes qui les entourent.

Seigneur, toi qui si souvent t’attristes du peu de foi de tes disciples et restes émerveillé devant la foi des gens simples, tu nous rappelles que c’est cette confiance qui fait vivre, et qui rend la vie belle. Aide-moi à garder comme toi solidement ancrée au cœur la confiance d’un enfant envers son Père.

Annick Sauvage.

Juillet-Août 2021: Évangile du dimanche 4 juillet (14ème TO)

Évangile de Jésus-Christ selon saint Marc (6, 1-6)

En ce temps-là, Jésus se rendit dans son lieu d’origine,  et ses disciples le suivirent. Le jour du sabbat, il se mit à enseigner dans la synagogue. De nombreux auditeurs, frappés d’étonnement, disaient : « D’où cela lui vient-il ? Quelle est cette sagesse qui lui a été donnée, et ces grands miracles qui se réalisent par ses mains ? N’est-il pas le charpentier, le fils de Marie, et le frère de Jacques, de José, de Jude et de Simon ? Ses sœurs ne sont-elles pas ici chez nous ? » Et ils étaient profondément choqués à son sujet.
Jésus leur disait : « Un prophète n’est méprisé que dans son pays, sa parenté et sa maison. » Et là il ne pouvait accomplir aucun miracle ; il guérit seulement quelques malades en leur imposant les mains. Et il s’étonna de leur manque de foi. Alors, Jésus parcourait les villages d’alentour en enseignant.

Méditation

«Un prophète n’est méprisé que dans son pays, sa parenté et sa maison» ou encore «nul n’est prophète en son pays». Ces expressions sont issues de trois évangiles (Luc, Marc et Matthieu). Jésus revient dans sa ville d’origine, Nazareth. C’est sans doute la première fois que Jésus prend la parole chez lui, sur sa terre natale et devant les siens. De nombreux auditeurs sont frappés d’étonnement et se demandent d’où vient cette sagesse affichée. Tout le monde semble incrédule en se souvenant de lui: n’était-il pas un simple charpentier? Après qu’il eut lu un passage d’Isaïe, Jésus déclara: “Aujourd’hui s’accomplit ce passage de l’Écriture que vous venez d’entendre.”  Aujourd’hui, avec la crise que nous traversons, le terme “aujourd’hui” m’apparait sous un jour nouveau.  L’Écriture s’accomplit toujours aujourd’hui. Le verbe aimer, le seul commandement de Jésus, ne se conjugue pas au passé ou au futur. Il est pour ici et maintenant. On en revient au sens du mot “évangile” qui, faut-il se le rappeler, signifie “bonne nouvelle”.  Bonne nouvelle, c’est aujourd’hui que s’accomplit cette parole.

Aujourd’hui encore, je veux croire que Jésus nous invite à «vivre en étant ancré dans la réalité présente» et à accepter cette réalité de manière véritable, grâce notamment à une absence d’illusion ou de jugement négatif. C’est notre mental, animé trop souvent par notre ego, qui nous pousse constamment à quitter l’instant présent pour nous renvoyer au passé et au futur ou encore à nous projeter en d’autres lieux. Ainsi par exemple, nous imaginons le paradis terrestre d’avant ou celui qu’on atteindra au jugement dernier, comme certains de nos contemporains pensent à leurs vacances. Nous analysons en permanence ce qui a eu lieu, nous nous projetons dans ce qui va se passer, nous tentons de tout analyser, le but étant toujours de contrôler la situation et par là même de nous protéger.

La religion, l’existence même de Dieu, la véracité des mots utilisés, … n’échappent pas à notre contrôle.  Plus précisément, notre inconscient est fait d’instincts de survie et de domination, il exprime nos besoins (physiologiques, de reconnaissance…), il se nourrit de nos peurs, de nos souffrances et de nos angoisses.  Autant de sentiments et d’émotions qui nous empêchent d’être là en conscience et au présent. Ils nous enferment dans un mécanisme difficile à maîtriser: notre liberté est étouffée, nous vivons dans la peur, l’imagination, l’illusion et les croyances, nous perdons le contact avec la seule réalité possible, qui n’est pas celle du passé révolu ou du futur qui n’existe pas, mais bien celle du présent. L’objectif de la démarche que Jésus nous propose serait donc d’opérer un recentrage en tentant de retrouver cette réalité, en rétablissant le contact avec la vérité présente, avec l’ici et maintenant.

Ici et maintenant” est une fenêtre ouverte sur le réel. Épurés de toute illusion, libérés de toutes nos peurs, nous pouvons enfin observer le monde tel qu’il est.  Ceci ouvre la voie à la contemplation et à l’émerveillement. L’émerveillement est capacité à comprendre la nature ultime des hommes et des choses. Cela consiste à porter un regard positif sur le monde, mais aussi sur soi-même. Le “moi” s’efface pour laisser place à l’être universel que nous portons en nous, prêt à fusionner avec l’essence-même de l’univers.

La seule réalité se trouve dans le présent, dans l’ici et maintenant. Là se situent non seulement le libre-arbitre de l’homme, mais aussi son pouvoir créateur. Nous sommes capables, à tout moment, de modifier notre destinée et de créer, à partir de notre propre conscience, une réalité différente.

Regardez les oiseaux du ciel: ils ne sèment ni ne moissonnent, ils n’amassent rien dans des greniers et votre Père céleste les nourrit.

«Aujourd’hui» est une porte ouverte sur l’éternité.  Jésus nous invite à nous sentir vivre, en connexion spirituelle avec le Tout qu’il appelle Abba.

Prière

Seigneur Dieu,
À tout être humain, prisonnier de lui-même, tu donnes ta parole libératrice.
Tu nous as appelés à être libres, à devenir des femmes et des hommes reflétant l’image et l’esprit de Jésus, ton Fils.
Nous t’en prions : donne-nous la force qui l’a fait affronter les sarcasmes de son pays, sa parenté et sa maison, donne-nous l’espace qu’il a ouvert, rends-nous réceptifs et libres.
Nous vivrons alors avec toi, ici et maintenant, dans ce monde dans lequel tu nous as fait naître, te remerciant de nous permettre de vivre aujourd’hui et demain comme hier et chaque jour de ta grâce, connaissant tantôt la peine et tantôt la joie.

Jean-Claude Simon

Mai-Juin 2021: Évangile du dimanche 13 juin (11ème TO)

Évangile de Jésus-Christ selon saint Marc (4, 26-34)

En ce temps-là, parlant à la foule, Jésus disait : « Il en est du règne de Dieu comme d’un homme qui jette en terre la semence : nuit et jour, qu’il dorme ou qu’il se lève, la semence germe et grandit, il ne sait comment. D’elle-même, la terre produit d’abord l’herbe, puis l’épi, enfin du blé plein l’épi. Et dès que le blé est mûr, il y met la faucille, puisque le temps de la moisson est arrivé. »

Il disait encore : « À quoi allons-nous comparer le règne de Dieu ? Par quelle parabole pouvons-nous le représenter ? Il est comme une graine de moutarde : quand on la sème en terre, elle est la plus petite de toutes les semences. Mais quand on l’a semée, elle grandit et dépasse toutes les plantes potagères ; et elle étend de longues branches, si bien que les oiseaux du ciel peuvent faire leur nid à son ombre. »

Par de nombreuses paraboles semblables, Jésus leur annonçait la Parole, dans la mesure où ils étaient capables de l’entendre. Il ne leur disait rien sans parabole, mais il expliquait tout à ses disciples en particulier.

Méditation

Ces deux petites paraboles qui suivent la célèbre parabole du semeur, pourraient faire penser qu’il n’y a pas grand-chose à faire pour qu’advienne le règne de Dieu : quoi qu’on fasse, la semence germe et grandit, alors pourquoi se fatiguer ? Et pourtant elles nous rappellent aussi notre mission de Chrétiens : comme la Parole de Vie fut semée en nous, nous sommes appelés à notre tour à la semer autour de nous pour qu’elle se répande de proche en proche, dans notre famille, notre entourage, au boulot… Sans doute, c’est Dieu qui sème au départ et fait pousser, mais Il compte sur nous pour répandre les semences que nous avons-nous-mêmes reçues, qui nous ont été transmises par nos prédécesseurs dans la foi.

Parfois on pourrait être tenté de baisser les bras devant le peu d’intérêt que nos paroles semblent susciter dans notre entourage. Pourtant comme tout parent, il m’arrive de constater, chez mes enfants devenus grands ou mes petits-enfants, les fruits de paroles prononcées ou de moments vécus ensemble bien avant. Sur le moment même, on ne se doute pas que telle conversation, tel conseil semblant tomber à plat, telle parole anodine, ou même simplement ces instants de rires francs ou de connivence, de jeux joués à deux ou en joyeuse bande, de temps passé ensemble, ressurgiront beaucoup plus tard. Et nous réalisons alors que toutes ces petites choses du quotidien qui nous semblaient insignifiantes et recevoir peu d’échos, sont au contraire porteuses de beaucoup de sens, qu’elles sont gravées solidement au plus profond, et peuvent porter, même bien plus tard, même quand on ne s’y attendait plus, de très beaux fruits. Cette expérience que nous faisons en tant que parents ou éducateurs, est valable aussi dans notre vie et notre mission de chrétiens.

Alors, ayons à cœur de semer largement des graines d’Amour, même si nous n’avons pas l’impression que ça serve à quelque chose, et faisons confiance : l’Esprit Saint, qui souffle où Il veut, saura bien combiner toutes ces graines, faire se rencontrer et interagir toutes ces paroles, tous ces petits gestes, pour en faire germer de beaux bouquets !

Annick Sauvage

Mars-Avril 2021: Évangile du dimanche 7 mars (3ème de Carême)

Évangile de Jésus-Christ selon saint Jean (2, 13-25)

Comme la Pâque juive était proche, Jésus monta à Jérusalem. Dans le Temple, il trouva installés les marchands de bœufs, de brebis et de colombes, et les changeurs. Il fit un fouet avec des cordes, et les chassa tous du Temple, ainsi que les brebis et les bœufs ; il jeta par terre la monnaie des changeurs, renversa leurs comptoirs, et dit aux marchands de colombes : « Enlevez cela d’ici. Cessez de faire de la maison de mon Père une maison de commerce. » Ses disciples se rappelèrent qu’il est écrit : L’amour de ta maison fera mon tourment. Des Juifs l’interpellèrent : « Quel signe peux-tu nous donner pour agir ainsi ? » Jésus leur répondit : « Détruisez ce sanctuaire, et en trois jours je le relèverai. » Les Juifs lui répliquèrent : « Il a fallu quarante-six ans pour bâtir ce sanctuaire, et toi, en trois jours tu le relèverais ! » Mais lui parlait du sanctuaire de son corps. Aussi, quand il se réveilla d’entre les morts, ses disciples se rappelèrent qu’il avait dit cela ; ils crurent à l’Écriture et à la parole que Jésus avait dite. Pendant qu’il était à Jérusalem pour la fête de la Pâque, beaucoup crurent en son nom, à la vue des signes qu’il accomplissait. Jésus, lui, ne se fiait pas à eux, parce qu’il les connaissait tous et n’avait besoin d’aucun témoignage sur l’homme ; lui-même, en effet, connaissait ce qu’il y a dans l’homme.

Méditation

Autant l’avouer tout de go, voilà un passage d’évangile qui ne manque pas de nous surprendre. Jésus en colère, saccageant tout sur son passage et on l’imagine donner de la voix lorsqu’il s’écrie : «enlevez tout cela d’ici!». Comme les chefs juifs de l’époque, nous pourrions à notre tour nous insurger: «quel signe peux-tu faire pour nous prouver que tu as le droit d’agir ainsi?». Ses disciples eux-mêmes sont sans doute très surpris de cette violence inattendue du maître au point que ce passage est un des rares de ceux relayés de manière pratiquement identique dans les quatre évangiles. L’enjeu devait être et est encore aujourd’hui de taille.

Le temple était l’orgueil du peuple juif mais surtout considéré comme le lieu privilégié de la rencontre des hommes avec Dieu. La présence des marchands et des changeurs d’argent apparaissait comme logique et nécessaire. Ses parents, Marie  et Joseph, avaient eux-mêmes acheté deux petites colombes lors de sa présentation au temple. Alors pourquoi tant d’acharnement contre eux ?

Certes il y avait bien eu certains prophètes qui n’y allaient pas de main morte pour dénoncer, déjà avant lui, les pratiques du temple. Déjà ils mettaient en exergue l’incohérence entre ce qu’on célébrait dans les temples et ce que, homme et femme pratiquaient dans la vie quotidienne. Parmi ceux-ci, Jérémie: «À vos yeux, est-ce une caverne de voleurs, ce temple qui porte mon nom?» ou encore Isaïe: «Je suis rassasié de vos holocaustes de béliers et de la graisse des veaux. N’apportez plus vos offrandes inutiles. C’est pour moi une fumée insupportable. Recherchez plutôt le droit et la justice». Mais le doux Jésus, non ce n’est pas possible !

C’est en lisant Frédéric Lenoir, prophète de notre temps, que j’ai compris le message de Jésus pour son époque mais aussi pour la nôtre. En chassant les marchands du temple, Jésus est beaucoup plus complexe que ce qu’en a rendu, pendant des siècles, l’imagerie pieuse. Cet homme, qui sait se faire bon et tendre la main aux exclus, est capable d’être cinglant tout en se montrant d’un humanisme extrême. Il veut ouvrir des horizons nouveaux. De son temps, il suffisait d’aller au temple, acheter quelques présents, les offrir en sacrifices et on avait rencontré Dieu.  Marchands de bestiaux et changeurs sont révolus, ils sont dépassés, pour Jésus! Un nouveau culte arrive. Le “culte en esprit et en vérité” se célèbrera au nouveau temple. Le nouveau temple, c’est moi, dit Jésus.  «Détruisez ce temple, et moi, en trois jours, je le rebâtirai». Dans ce temple des marchands, Jésus voit une réminiscence du passé. Par sa venue, il inaugure un nouveau regard porté sur l’homme avec une profondeur universelle qui posera les bases du christianisme fondées sur sa seule personne. Dorénavant le chrétien ne se reconnaitra plus seulement à son observance de la loi et de la tradition. Il se reconnaitra surtout par son amour pour Dieu et pour son prochain. Ce qui compte c’est d’écouter sa parole et la mettre en pratique. Aimer Dieu et son prochain, un précepte déjà au cœur de la loi juive, mais Jésus s’emploie à le renouveler en lui donnant tout son sens et surtout en le débarrassant de l’hypocrisie et du légalisme. Par ses paroles et par ses actes, Jésus devient le modèle de tout chrétien qui se respecte. Marcher sur ses pas consiste donc à tenter de le suivre sur le chemin d’amour qu’il a montré. Jésus ouvre un horizon à partir duquel l’être humain peut se penser, non plus en termes de pratiques et de dépendances mais de liberté et de dignité. La nouvelle proximité de Dieu n’est plus dans les offrandes et les sacrifices, elle est dans ce qui fait grandir la conscience de l’homme et de la femme. J’ose ce jeu de mots: la colère momentanée de Jésus devant tant d’incompréhension révèle la force révolutionnaire de son message.

Et moi, comme beaucoup de chrétiens d’aujourd’hui, je m’interroge sur la baisse de la pratique religieuse et pourtant à la lecture de ce passage de l’évangile, je ne peux pas faire l’économie d’une triple interrogation :

– N’ai-je pas trop souvent enfermé Dieu dans une partie étroite de mon existence, de mon précieux temps, dans l’église de mon village?

–  Suis-je capable de rencontrer Dieu en plein cœur de mes projets, de mes engagements, de mes justes combats, de mes saines colères, … dans la rencontre avec des connus et des inconnus que Dieu met sur ma route?

– Une église dressée et accueillante au sein du village rappelle-t-elle suffisamment, fréquentée ou non, notre filiation à un Dieu d’amour et notre volonté d’une relation durable ?

Prière

Donne à mes yeux de savoir se fermer pour mieux te retrouver de l’intérieur;
que jamais ils ne se détournent du monde parce qu’ils en ont peur.
Donne à mon regard d’être assez profond pour reconnaitre ta maison dans le monde,
assez de courage pour chasser marchands et vendeurs
trop omniprésents par les temps qui courent
et fais que jamais mes yeux ne se ferment
sur la misère des femmes et des hommes que je côtoie.

Jean-Claude Simon

Janvier-Février 2021: Évangile du dimanche 3 janvier (Épiphanie du Seigneur)

Évangile de Jésus-Christ selon saint Matthieu (2, 1-12)

Jésus était né à Bethléem en Judée, au temps du roi Hérode le Grand. Or, voici que des mages venus d’Orient arrivèrent à Jérusalem et demandèrent: «Où est le roi des Juifs qui vient de naître? Nous avons vu son étoile à l’orient et nous sommes venus nous prosterner devant lui.» En apprenant cela, le roi Hérode fut bouleversé, et tout Jérusalem avec lui. Il réunit tous les grands prêtres et les scribes du peuple, pour leur demander où devait naître le Christ. Ils lui répondirent : «À Bethléem en Judée, car voici ce qui est écrit par le prophète: Et toi, Bethléem, terre de Juda, tu n’es certes pas le dernier parmi les chefs-lieux de Juda, car de toi sortira un chef, qui sera le berger de mon peuple Israël. »

Alors Hérode convoqua les mages en secret pour leur faire préciser à quelle date l’étoile était apparue; puis il les envoya à Bethléem, en leur disant: «Allez vous renseigner avec précision sur l’enfant. Et quand vous l’aurez trouvé, venez me l’annoncer pour que j’aille, moi aussi, me prosterner devant lui.» Après avoir entendu le roi, ils partirent. Et voici que l’étoile qu’ils avaient vue à l’orient les précédait, jusqu’à ce qu’elle vienne s’arrêter au-dessus de l’endroit où se trouvait l’enfant. Quand ils virent l’étoile, ils se réjouirent d’une très grande joie. Ils entrèrent dans la maison, ils virent l’enfant avec Marie sa mère; et, tombant à ses pieds, ils se prosternèrent devant lui. Ils ouvrirent leurs coffrets, et lui offrirent leurs présents: de l’or, de l’encens et de la myrrhe. Mais, avertis en songe de ne pas retourner chez Hérode, ils regagnèrent leur pays par un autre chemin.

Méditation

Ce texte, nous l’entendons chaque année, il fait partie des ‘madeleines de Proust’ de notre enfance: jolie histoire de mages venus d’Orient apporter des cadeaux à l’Enfant Dieu, et occasion dans les familles de se réunir pour déguster de délicieuses galettes des rois. Mais au-delà de ces images bucoliques, mesurons-nous l’important message qu’il nous adresse dans l’aujourd’hui de nos vies ?

Il parle de grands déplacements et bouleversements: les mages, d’abord, personnages assez mystérieux mais que la Tradition présente comme de grands sages, viennent se prosterner devant  un nouveau-né et effectuent pour cela un long et probablement pénible voyage. Hérode ensuite, et tout Jérusalem avec lui, sont bouleversés par cette annonce qui dérange leur vie bien rodée et met à mal leur vision du Messie tant attendu. Et n’oublions pas les jeunes parents, qui ont dû faire face à la venue d’un nouveau-né – événement en soi bouleversant – de façon pour le moins inattendue et interpellante, et ont dû eux aussi effectuer un déplacement important avant de pouvoir l’accueillir.

Les événements que nous avons vécus tout au long de l’année achevée ont eux aussi apporté de grands déplacements et bouleversements dans chacune de nos vies, de différentes manières et intensités, et nous sommes peut-être, ‘grâce’ à eux, plus que jamais en mesure de comprendre, en profondeur le message contenu dans ce passage des Écritures, car nous l’avons en quelque sorte connu, au sens biblique du terme, c’est-à-dire éprouvé jusque dans l’intime de notre chair.

Après avoir su abandonner leur position confortable de sages pour contempler le Tout Petit de la crèche, les mages sont invités à retourner chez eux par un autre chemin. Les jeunes parents eux aussi seront appelés à faire un long détour en territoire inconnu et peut-être hostile avant de pouvoir regagner leur village. Et nous? Allons-nous accepter les grands déplacements auxquels nous appellent les bouleversements vécus récemment? De notre réponse dépendra la suite de notre chemin, puisse l’Esprit de Noël nous guider sur la route.

Annick Sauvage

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