Mois après mois, Lucien VANSTIPELEN nous conte l’histoire de nos contrées d’après les archives paroissiales.
Les abbés de St-Jacques à Liège, Seigneurs de Bassenge et Roclenge.
Les plus anciennes mentions de Bassenge remontent au 12ème siècle. À cette époque, quelques Seigneurs, propriétaires des lieux, cèdent leurs biens aux abbayes pour assurer le salut de leur âme. C’est ainsi que le 6 janvier 1134, Witking de Swalenberg, comte saxon et Seigneur de Bassenge, cède à l’abbaye St-Jacques à Liège tout ce qu’il possède à Bassenge, en église, moulin et dépendances, prés, pâturages, terres cultivées, jachères et eaux courantes (charte originale de St-Jacques en parchemin aux Archives de l’État à Liège » – Bourg. P.M. pg 9 et 82)
En 1141,l’abbaye de St-Jacques acquiert l’autre moitié du village de Bassenge, par le don ou la vente de biens appartenant à un Seigneur du Limbourg hollandais : Arnould de Nutes, qui part comme croisé en terre sainte (De Reiffenberg. Tome IV pg 419-422. Collection des chroniques belges – Bourg. P.M. pg 11 et 82)
Depuis cette époque et jusqu’à la Révolution de 1789, les abbés de St-Jacques sont «Seigneurs de Bassenge et Roclenge». Ils sont propriétaires à Bassenge d’une ferme-château (l’actuelle ferme de Luc Fraikin) et y établissent une Cour de justice qui règle tous les aspects de la vie des deux villages.
Les actes de la Cour de justice de Bassenge sont conservés aux Archives de l’État à Liège. Ils remontent à 1530. Le dernier acte date du 23 février 1795. À ce moment, la Révolution met un terme définitif à l’Ancien Régime.
Les archives de la Cour de Justice de St– Jacques mentionnent le protocole prévu lors de la réception d’un nouvel Abbé-Seigneur de Bassenge et Roclenge ou de son représentant.
« Après avoir reçu le bouquet de la jeunesse de Bassenge, on le conduit depuis l’endroit nommé cheval-baye, à l’église dudit Bassenge, où il a été reçu à la porte d’icelle par le révérend sieur Scaff curé dudit lieu avec la croix et qui après lui avoir présenté l’eau bénite, l’a conduit dans le chœur, ou après quelques prières faites sur un prie-dieu placé au milieu d’icelui a pris possession par attouchement du tabernacle, des quatre coins du maître-autel, touché le missel et sonné la grosse cloche, puis le Te deum a été entonné et chanté par le Rnd sieur curé, et delà le dit révérend seigneur constitué à été lever le gazon au milieu des dits villages, toucher l’eau de la rivière de Geer et ensuite reconduit au château avec acclamation, cris de joye et vivat des manants et habitans du dit village ou étant arrivé, il a apposé la main sur la table scabinale, le tout pour et au nom du dit révérend seigneur son abbé, qui en vertu des présentes est entré de notre autorité dans la possession réelle et actuelle des terres, seigneuries de Bassenge et Roclenge St-Jacques comme de tous droits seigneuriaux. » (registre n° 20 pg 117)
Les Révérendissimes Seigneurs de Bassenge et Roclenge font la Loi.
Le 1er octobre 1765, le Révérendissime Seigneur Antoine Maillart, abbé de St-Jacques Seigneur de Bassenge et Roclenge, ordonne, entre autres :
– On defend la chasse à qui que ce soit et de tirer lièvres, lapins et autres betes sauvages, perdroz, ni tendre aux filets. Amende : 30 florins d’or
– On defend toutes sortes de peches dans la rivière de geer sur peine de 10 florins d’or d’amende.
– On defend à peine de 20 fl. d’or d’amende de jetter mistere ou poison dans la rivière du geer»
– On defend de tirer aux colombes, sur peine de 10 fl. d’or d’amende
– On defend de tirer à boire, tant aux brasseurs que vendeurs soit en bière soit en brandevin, en été après les 9h du soir et en hivers apres les 8h du soir, et pendant les offices à l’église. Amende : 10 fl. d’or. La même peine sera infligée à ceux qui sont trouvé au cabaret après les heures susdites soit en buvant ou non buvant.
– On defend de porter armes déloïalles comme pochettes, amourettes, distilets, couteaux à pointe, baÿonettes et toutes autres cachées, sur peine de 50 fl. d’or d’amende.
– La même peine et amende aura lieu à l’égard de ceux qui porteront des certains batons gros et pesans armés par le bout de pointe de fer ou de cuivre, propres même à ÿ veriner des couteaux ou baÿonettes
– On defend de porter des fusils, carabines et autres armes à feu sur peine de 3 fl. d’or d’amende outre la confiscation de telles armes.
– On defend a un chacun en marchant de nuit parmi nos chemins ou campagnes et meme de jour de jurer le St Nom de Dieu en vain, crier, hurler, ni commettre autre insolence a peine d’un florin d’or d’amende
– On ordone que tous brasseurs, meuniers, boulangers, revendeurs tant marchands de grains qu’autres, aient leurs mesures justes et sellées à peine de 10 florins d’or d’amende
– Que personne n’empêche le libre cours du geer à peine de 3 fl. d’or d’amende. Chaque riverain est tenu de nettoyer le geer sur la largeur de son bien à peine de 3 fl. d’or d’amende
– 6 fl. d’or d’amende pour ceux qui laissent paître leurs bêtes sans permission sur les terres du Seigneur. Et que personne ne garde ses chevaux et autres bêtes sur les terres d’autrui. Les maîtres et maîtresses sont responsables des dommages causés par leurs bêtes gardées par leurs bergers, leurs domestiques ou leurs enfants
– Ceux qui ne possèdent pas des terres suffisantes ne pourrons tenir brebis ni moutons, ni tenir pigeonnière ni pigeons
– Sur les terres communes, il est interdit, sans la permission du Seigneur, de planter et de couper des arbres
– Les personnes possédant chevaux et charrettes devront réparer les chemins selon les instructions du Seigneur
– On defend sur peine de 10 fl. d’or d’amende de tenir chien sans harnaÿ de même que des porcs sans harnaÿ
– On defend sur peine de 3 fl. d’or d’amende de fourcharuer les uns contre les autres
– On defend sur peine de 3 fl. d’or d’amende de tenir ni asseoir roue d’oies sur les chemins ou communes sans la permission du Seigneur ou de son officier
-Que tous manans aiant cause ou procès les uns contre les autres seront obligés en première instance de plaider pardevant la cour du dit lieu a peine de 5 fl. d’or d’amende (registre 4 pg 48 et ss)
Lucien Vanstipelen
La belle histoire de la chapelle du Vî Mosti…
Juillet – Août 2014
Résumé des articles précédents
En 1726, l’église primitive de BASSENGE située au milieu du cimetière et vieille de plusieurs siècles, menace ruine et est bien trop petite pour la population du village qui ne cesse d’augmenter.
Le curé BACQUET adresse alors une supplique au propriétaire de l’église, l’Abbé de Saint-Jacques à LIÈGE, Seigneur de BASSENGE.
Après enquête, celui-ci décide de construire une nouvelle église plus spacieuse dans un autre lieu que le cimetière, trop exigu. Le curé et ses paroissiens veulent, eux, maintenir l’église dans le cimetière.
Le choix d’un nouvel emplacement
Le curé BOURGUIGNON (1902-1930) raconte dans ses “mémoires” les circonstances insolites qui ont conduit au choix du nouvel emplacement de l’église.
Par un beau matin de l’été 1727, le délégué de Saint-Jacques, accompagné de quelques experts et de représentants de la Cour de Justice parcourent le village pour choisir le meilleur endroit en tenant compte de l’évolution de l’habitat. Au fil des siècles, le noyau primitif du village, situé jadis autour de l’église primitive et du cimetière et près de la villa romaine, en bas de l’actuelle rue Vinâve, s’est étendu. Le “Brou” accueille à présent quelques fermes et plusieurs habitations. Il faut construire l’église entre le Vinâve et le Brou. Mais le fond marécageux de la Vallée ne convient pas.
Ne trouvant pas d’endroit adéquat et fatigués de parcourir le village sous un soleil de plomb, les membres de la petite équipe s’arrêtent à la brasserie BALDHUIN, qui a donné son nom à la “cour des brasseurs”, presque en face de l’actuelle église.
Ont-ils abusé de bière ou de genièvre ? On est en droit de se poser la question ! Toujours est-il qu’après quelques heures de palabres, un membre de cette joyeuse attablée dit : “Avec ça, nous n’avons toujours pas d’endroit pour construire l’église !” Et il ajoute, par plaisanterie :”Et si on la construisait là !”, en indiquant le thier, en face de la brasserie.
Il ne pensait sans doute pas que sa proposition fantaisiste serait prise au sérieux, mais… après quelques réflexions, le délégué de Saint-Jacques dit :”Eh bien, elle sera là !”.
Aujourd’hui encore, après avoir monté tout essoufflés la volée d’escaliers qui conduit à l’église de BASSENGE, bien des fidèles venant à la messe se posent toujours la question: “Mais pourquoi a-t-on construit l’église ici, si haut ?”
Ils connaissent à présent la réponse: c’est parce qu’un beau jour de l’été 1727, fatigué de chercher un endroit adéquat, le délégué de l’Abbé de Saint-Jacques, sans doute un peu éméché, en a décidé ainsi.
L’église sera effectivement construite à cet endroit. Attention! Il ne s’agit pas de l’actuelle église construite en 1857, mais d’une église plus petite (une nef) construite à cet endroit, et dont on a conservé la partie basse de la tour.
Averti de cette décision, le curé, hostile au projet et qui ne faisait évidemment pas partie de l’équipée, sourit gentiment. Jamais on n’arrivera à bâtir une église à cet endroit: il faudrait déplacer (à la main !) des tonnes de terre.
Et en effet, les mois passent et les paroissiens n’entendent plus parler de rien. Ils continuent à célébrer les offices dans la trop petite église du cimetière, consolidée tant bien que mal.
Puis les années succèdent aux années. Pas la moindre construction en vue. Le curé et ses paroissiens sont rassurés. Le projet de déplacer l’église est sans doute abandonné.
Eh bien non! 12 ans après la décision de construire la nouvelle église sur le thier, l’affaire rebondit. Un beau matin de novembre 1739, le Sieur Lambert JACQUET, greffier de BASSENGE, commandité par l’Abbé de Saint-Jacques, Seigneur de BASSENGE, vient sur place avec quelques ouvriers. Ils tracent l’emplacement de la nouvelle église et placent à cet effet quantité de piquets.
Le curé est immédiatement prévenu. Il arrive sur les lieux et proteste. Il est soutenu par les paroissiens qui, la nuit, enlèvent les piquets d’implantation. Mais sabotages, protestations, résistances doivent céder devant la détermination du Seigneur-Abbé.
Notre curé n’abandonne cependant pas le combat. Il reprend sa plus belle plume et s’adresse une nouvelle fois au Seigneur-Abbé de Saint-Jacques en alignant toute une série d’arguments contre la construction d’une nouvelle église sur le thier.
Septembre 2014
Résumé des articles précédents
En 1727, le curé BACQUET et les Bassengeois demandent à l’abbé de Saint-Jacques à LIÈGE, Seigneur de BASSENGE, l’édification d’une nouvelle église en remplacement de la primitive église vétuste et trop petite, plantée au milieu du cimetière.
L’abbé de Saint-Jacques décide de construire la nouvelle église sur le thier (endroit actuel) et de démolir la primitive église.
Le curé s’oppose à cette décision. Il veut que la nouvelle église reste au milieu du cimetière. Et lorsqu’en novembre 1729, greffier, géomètre et ouvriers tracent l’emplacement de la nouvelle église sur le thier, le curé BACQUET réagit immédiatement.
Nouvelle supplique du curé au Seigneur
Le curé BACQUET avance trois arguments majeurs :
1. L’endroit est peu peuplé et échappera à la vigilance du curé.
2. La présence de cafés à proximité du thier. Les paroissiens seront tentés d’aller boire durant la messe.
3. Le curé qui habite le presbytère du “Vî Mosti” (aujourd’hui démoli et incorporé au cimetière) aurait trop de difficultés pour se rendre à l’église et administrer les sacrements.
Voici de larges extraits de cette lettre datée du 3 janvier 1740:
Révérendissime Abbé,
Le Sieur Lambert Jacquet Greffier de BASSENGE, ayant à l’improviste le jour de Saint André dernier, venu planter quantité de piquets, servants à dessiner le plan d’une prétendue nouvelle église à bâtir sur le thier de très difficile accès situé dans votre village et seigneurie de BASSENGE près de la maison BRASSINE et de la veuve BADWIN à la distance de l’ancienne église et de la maison pastorale d’environ huit à neuf cents pas, a ensuite débité parmi le village que c’était par ordre de votre Seigneurie Révérendissime.
Les inconvénients presque innombrables qui résultent d’une Résolution si extraordinaire, m’obligent d’en remontrer, en tout respect, quelques uns a votre ditte Seigneurie Révérendissime.
On les réduit a présent a trois chefs scavoir du costé de votre monastère de Saint-Jacques, du coté du village et communauté de BASSENGE et du coté des curés présent et futurs du dit BASSENGE.
1. Dans la supposition que la nouvelle prétendue église se batisse sur le dit thier qui est Ecarté et Eslevé au-dessus des habitations: il est probablement sûr que comme tant d’autres églises du voisinage, les vases sacrés et les ornements seront bientost volés et pillés par les propres manans, au moins par les étrangers déserteurs et bohémiens qui rodent continuellement par bandes dans ces quartiers et ca attendu leloignement de la vigilance du curé.
2. Quant au village et communauté de BASSENGE si on exccepte deux ou trois cabartiers et quelque peu de voisins du dit thier qui le souhaitent dans ce lieu par pur intérêt honteux et sortide cest a dire pour vendre leur bievre breadwin et autres denrées les jours de dimanches et fetes pendant que les cloches degoutent (à ce qu’ils disent) ou pendant que le curé s’habille et prépare ou meme pendant l’instruction et jusqu’à l’Evangile.
Les Habitans du voisinage de l’ancienne église qui est le plus peuplé et une grosse partie des autres manans souhaitent que l’église reste ou elle a toujours été d’ez Letablissement du Christianisme en ce village ; Et aupres de la sépulture des Ancetres.
Outre que la Communauté en general dit qu’étant déjà fort arrieree, elle n’at pas cent pistoles ou deux mille florins a employer pour batir des nouveaux et hauts murs qu’il faudrait pour renfermer la pretendue nouvelle église et cimetière sur le dit thier.
3. Pour le curé, qui lui seul aurait plus de peine pour un si grand eloignement de l’église que tous ceux qui la souhaitent sur le dit thier n’en auraient par ensemble. Puisque non seulement il faut qu’il se trouve nécessairement en tout temps premier et dernier à tous les offices ordinaires, les autres devoirs extraordinaires qui demandent sa présence et auxquels il se trouve le plus souvent presque seul, sont incomparablesment plus importans, comme pour entendre les confessions, faire les cathésismes pendant tout le carême pour instruire la jeunesse pour les Paques ; pour l’administration des Sacremens de Bapteme de mariage etc. mais encor pour ladeministration surtout nocturne du Sacre viatique et de l’extrême onction.
Par des chemins en allant et revenant longs raboteux et bourbeux, par des hayes et fosses très pénibles, et cela dans quelque etat de santé ou de viellesse qu’il se rencontre, n’ayant aucun support a esperer etant tout seule sans vicaire ou chapellain, ce qui serait souvent la cause qu’il arriverait trop tard avec les Sacremens.
Ce qui fait espérer que votre Seigneurie Révérendissime, voudra bien laisser comme on dit comunement le mortier dans sa place ou au moins sur le cimetiere qui a en longueur et largeur le terraiin nécessaire a batir une nouvelle et spacieuse église vu surtout que le sacre concil de Trente est formelement opposé a la destruction des anciennes et venerables églises a la profanation des lieux d’icelles, de leurs cemitieres et a des nouveautés si inutiles et domageables.
Signé Jean Isidore BACQUET curé de BASSENGE,
P. BOTTIN tenant de BASSENGE,
Gérard BARBE tenant,
Nicolas DELFONTAINE mambour,
Noel JOWAY ancien mambour,
Henri LE MARCHAND bourgueaître,
Jean Nicolas FRAIKIN bouorguemaître.
Cette savoureuse supplique n’a apparemment aucun effet. La construction de la nouvelle église, sur le thier, commencera début de l’an 1741.
Le curé d’EMAEL note dans son registre: “Dom JACQUET, Abbé de Saint-Jacques, meurt au mois de juin 1741, après avoir commencé une nouvelle église à BASSENGE.
Le mois prochain: Le curé refuse d’occuper la nouvelle église.
Octobre 2014
Résumé des articles précédents
Nous sommes en 1741, à BASSENGE.
Malgré les protestations et les supplications du curé BACQUET, soutenu par toute la population, une nouvelle église est construite sur le thier (endroit de l’église actuelle) par ordre de l’Abbé de Saint-Jacques à LIÈGE, Seigneur de BASSENGE. On achète à cet effet, une parcelle de terre appartenant à Anne HOUWAR.
Le curé et les habitants sont déçus. Ils auraient voulu que la nouvelle église soit construite au même endroit que la vieille église, au milieu du cimetière.
Un curé qui a de la suite dans les idées.
Le curé BACQUET s’obstine. Il ignore la nouvelle église et continue de célébrer messes et sacrements dans la vieille église du cimetière, qui conserve le saint Sacrement. Le tabernacle de la nouvelle église est vide.
Les mois et les années passent. Ni le curé BACQUET, ni les Bassengeois ne mettent les pieds dans la nouvelle église. L’Abbé de Saint-Jacques, Seigneur de BASSENGE, informé de la situation, envoie son délégué qui exige que l’on considère la nouvelle église comme seule église paroissiale et qu’on y célèbre les messes, les mariages, les baptêmes, les funérailles.
Le curé refuse obstinément.
Furieux, le délégué s’en va faire rapport à l’Abbé de Saint-Jacques qui exige alors que le curé lui remette les clefs de la vieille église afin de la fermer définitivement.
Lorsque le délégué de Saint-Jacques se représente devant le curé, celui-ci ne cède pas et refuse catégoriquement de remettre les clefs.
L’Abbé de Saint-Jacques envisage alors d’utiliser les grands moyens. Pour obliger le curé à célébrer les offices dans la nouvelle église, le Seigneur-Abbé décide tout simplement de démolir la vieille église du cimetière.
Le curé BACQUET va, une nouvelle fois, prendre sa plus belle plume, et écrire une supplique, non plus à l’Abbé de Saint-Jacques, mais au “Très illustre et très Révérend Seigneur Archidiacre de Hesbaye”. (Rappelons qu’à cette époque, le diocèse est divisé en Archidiaconés).
Cette supplique date du 20 juin 1743
Dans sa lettre, le curé BACQUET explique à l’Archidiacre que l’Abbé de Saint-Jacques veut qu’on occupe la nouvelle église, abandonnée depuis sa construction, et qu’il a pris la résolution de démolir l’ancienne église.
….”C’est ainsi, écrit-il, que l’envoyé de l’Abbé a tenté d’avoir les clefs de cette ancienne église, pour en retirer les ardoises et par la suite, pro-bablement les bois et les pierres”…. ….”Et c’est pourquoi je supplie très humblement, avec toute la vénération due, votre très illustre et très Révérendissime Seigneurie, que rien ne soit entrepris à ce sujet.”
….”En effet, par une disposition des Canons Sacrés on doit veiller à n’autoriser la démolition des églises que dans les seuls cas où elles sont complètement écroulées ou ruinées, et qu’il ne se trouve personne qui voudrait les restaurer. Mais dans le cas qui nous préoccupe, l’ancienne église existe dans un état décent, et même le chœur a été tout récemment réparé. En conséquence de quoi, la démolition est tout à fait contraire aux Saints Canons. “
(signé : Johannes Isidorus BACQUET, Pastoor in BASSENGE)
Ici, qu’il nous soit permis de sourire ! Voilà tout d’un coup que notre brave curé estime sa vieille église en bon état, alors que dans sa première supplique à l’Abbé (12 novembre 1726) demandant l’agrandissement de l’église, il décrivait celle-ci en ruine : (….”les murs de la tour et du chœur sont fendus de haut en bas, …toits percés….bancs, meubles et charpentes pourris….”)
Quoi qu’il en soit, depuis 2 ans, la nouvelle église sur le thier est ignorée et boycotté par les Bassengeois. Le conflit qui oppose l’Abbé de Saint-Jacques et le curé BACQUET entre dans une phase aiguë. L’Archidiacre de Hesbaye est désigné comme arbitre. Réussira-t-il à concilier les points de vue et à ramener la paix ?
C’est ce que nous verrons le mois prochain.
Novembre 2014
Résumé des articles précédents
1743. Depuis 2 ans, la nouvelle église de BASSENGE construite sur le thier (à l’endroit de l’église actuelle) contre l’avis du curé, est boycottée par celui-ci et ses paroissiens. Les offices sont toujours célébrés dans la vieille église du cimetière que l’Abbé de Saint-Jacques, Seigneur de BASSENGE, menace de démolir pour obliger le curé à célébrer les offices dans la nouvelle église.
L’archidiacre de HESBAYE est désigné comme conciliateur.
Un accord entre les parties est enfin signé le 27 juillet 1743.
Au terme de cet accord :
1. L’Abbé de Saint-Jacques fera démolir le corps de l’ancienne église du cimetière, mais pas le chœur ni la muraille ou voûte qui le sépare de la nef, à condition que le dit Abbé et ses successeurs ne soient chargés à l’avenir ni de l’entretien, ni des réparations du chœur réédifié en chapelle.
2. Le cimetière restera à sa place pour y enterrer les morts.
3. Le Révérendissime Abbé fera réparer les murailles, mais pour la dernière fois. À l’avenir, les dites murailles seront à charge de la Communauté.
L’accord est signé par :
Pierre, Abbé de Saint-Jacques
Jean Isidore BACQUET, curé de BASSENGE
Donnons la parole au curé BACQUET :
“L’an 1744, le 20 juin, furent démolis la nef et les fonts baptismaux de notre ancienne église mère, appartenant à notre très Révérendissime Seigneur et Abbé de Saint-Jacques de LIÈGE. Les Saints Sacrements furent transférés de l’ancien chœur à la nouvelle église sur le thier. Ce transfert fut réalisé par le Seigneur Mathias BATTA, comptable du monastère, en mon absence.”
On comprend aisément que le curé n’assiste pas à ce transfert, auquel il est farouchement opposé.
Apparemment donc, tout rentre dans l’ordre. La lampe du Saint Sacrement brille dans la nouvelle église. Mais bientôt, elle brillera à nouveau dans la chapelle, car notre curé a de la suite dans les idées !
Redonnons-lui la parole :
“À noter que j’ai fait reconstruire les fonts baptismaux dans mon ancien chœur, lequel fut réédifié. Tout le travail fut terminé le 14 août de cette même année 1744. Et le 16 août eut lieu la messe solennelle de la Dédicace de la chapelle. Le célébrant était le Révérend Seigneur Pierre PIRONNET, délégué par le Révérendissime et très Illustre Vicaire Général de LIÈGE. Les autres officiants étaient le curé de HERMÉE, le curé d’EMAEL, le curé de WONCK, et le Père Jérôme MINORITE de LIÈGE.”
Ainsi donc, le chœur de l’ancienne église réédifié en chapelle est consacré solennellement comme une église. Le curé l’appelle d’ailleurs “la vieille église mère”.
“À noter (poursuit le curé BACQUET) que ce même 16 août 1744, j’avais chanté la première messe en la nouvelle église, et que, après cela, j’ai reporté solennellement les Sacrements à la vieille église mère, et que je les ai remis à leur place dans le nouveau tabernacle donné par l’Abbé.”
Après seulement deux mois, le saint sacrement transféré par M. BATTA dans la nouvelle église est ramené par le curé à la chapelle du cimetière où il célèbre comme avant les messes en semaine et les sacrements. Seules les messes du dimanche sont célébrées à la nouvelle église sur le thier.
Jean Isidore BACQUET cède la place de curé à son cousin François Joseph CHEVALIER, en 1769. Il a donc été curé à BASSENGE durant 56 ans, de 1713 à 1769. Il décède en 1770. Dans son testament, il écrit :
“Après avoir recommandé mon âme à Dieu mon Créateur et à la Sainte Vierge Immaculée, et mon corps à la sépulture dans le chœur de l’ancienne église de BASSENGE, rebâtie et agrandie à mes propres fraix,
– Je laisse et légate aux pauvres de ma paroisse neuf stiers de seigle pour leur être distribués en pain le jour de mes obsèques. – Je légate à l’usage de la vieille église et à mes successeurs : – mon calice, -12 florins Brabant de rente – 2 verges de terre.”
Le mois prochain: Bassenge-les-deux-églises.
Décembre 2014
Résumé des articles précédents
En 1741, l’abbé de Saint-Jacques à LIÈGE, Seigneur de BASSENGE, fait construire sur le thier (à l’endroit actuel) une nouvelle église, en remplacement de l’église primitive, vétuste et trop petite, située au milieu du cimetière.
En juin 1744, cette vieille église du cimetière est démolie. Seule subsiste une partie du chœur, reconstruit, agrandi et transformé en chapelle par le curé BACQUET qui continue obstinément à y célébrer les messes quotidiennes et les sacrements. Désormais, on l’appelle “la vieille église” ou “la chapelle du Vî Mosti”. Aujourd’hui en 2014, elle est toujours là, au milieu du cimetière de BASSENGE, veillant sur le repos des morts.
Jean Isidore BACQUET rend son âme à Dieu en 1770, après avoir été curé de BASSENGE durant 56 ans.
BASSENGE-les-deux-églises
De 1744 à 1844, BASSENGE possède deux églises :
1. La nouvelle église, d’une seule nef, construite sur le thier (endroit actuel), délaissée par le curé et les paroissiens. On n’y célèbre que la messe obligatoire du dimanche. Mais l’église est dépourvue de tout.
La visite archidiaconale de 1763 nous apprend qu’il n’y a pas d’autels latéraux. L’autel dans le chœur possède un tabernacle garni de soie mais qui n’est pas dépositaire du Saint Sacrement. En effet, le curé BACQUET a ramené la Réserve Eucharistique à la vieille église du cimetière.
La nouvelle église n’est toujours pas consacrée. C’est pourquoi elle n’a ni patron ni dédicace.
Dans la tour, il y a deux petites cloches qui ne sonnent que le dimanche. Le vieux banc de communion provient du monastère Saint-Jacques à LIÈGE. Il y a quelques bancs vermoulus. Au sol, c’est de la terre battue, pas de pavés. Le confessionnal est mal aménagé pour les pénitents avec le risque que le secret de la confession soit entendu et divulgué.
Un peu partout traînent des livres déchirés. Les ornements sacerdotaux, les linges et les objets du culte sont vétustes. Il n’y a pas de statues.
2. Si la nouvelle église est délaissée, mal entretenue et dépourvue d’objets et d’ornements convenables, il en va tout autrement de la “vieille église” devenue “chapelle du Vî Mosti”, consacrée solennellement par le délégué du Vicaire Général, le curé et quelques confrères en 1744.
La visite archidiaconale de 1763 nous apprend que cette chapelle du cimetière est bien entretenue. Le tabernacle est très ouvragé et ses trois parties tournantes représentent des figures de la Loi ancienne et de la nouvelle Loi. Le tabernacle renferme un ciboire en argent avec les hosties consacrées. Un crucifix est en cyprès, un autre en argent, don de sœur Aléide BECHET en 1733. Quatre roses en or serties de pierres précieuses garnissent l’autel. À noter qu’une petite servante d’ANVERS vola ces pierres précieuses, mais le curé alla les récupérer dans la chambre de la voleuse, et depuis, les garde chez lui.
Il y a d’anciennes statues de saint Roch et de sainte Barbara et de nouvelles statues de la Vierge et de saint Pierre. Le confessionnal est amovible.
Le curé célèbre à la chapelle du Vî Mosti toutes les messes quotidiennes, les baptêmes, les mariages et les funérailles.
Durant la période révolutionnaire (1789-1795) et la période française (1795-1815) les rapports administratifs mentionnent bien deux églises à BASSENGE: la vieille église du cimetière, lieu habituel du culte, et la nouvelle église sur le thier, délaissée.
Les curés Joseph CHEVALIER (1769-1775), Jean Godefroid SCHAFS (1775-1808), Antoine FRANCK (1808-1817) et Antoine LEUCHTENRATH (1817-1833) continuent de célébrer la plupart des offices à la chapelle du Vî Mosti pour une raison toute simple: le presbytère construit depuis des temps immémoriaux est situé à quelques mètres à peine de la vieille église du cimetière. Il est beaucoup plus commode pour le curé de s’y rendre plutôt que d’emprunter, par tous les temps, le long chemin boueux appelé “Vinâve” qui conduit à la nouvelle église du thier. C’est pour cette raison aussi que le Saint Sacrement et les Saintes Huiles sont conservées à la chapelle du Vî Mosti, à portée de main du curé qui doit parfois se lever en pleine nuit pour se rendre au chevet d’un mourant.
Donc durant de très nombreuses années, la nouvelle église est délaissée au bénéfice de la chapelle du Vî Mosti.
Sous le régime hollandais (1815-1830), une circulaire émanant du Gouverneur du Limbourg et datée du 4 avril 1819, précise les conditions de reconnaissance officielle des églises, chapelles, oratoires. Ce sera pour le curé LEUCHTENRATH, l’occasion de plaider pour le maintien des deux églises à BASSENGE.
Le mois prochain: Les curés LEUCHTENRATH et PRÉVINAIRE.
Janvier 2015
Résumé des articles précédents
Lorsque le curé LEUCHTENRATH arrive à BASSENGE en 1817, il y a 74 ans que la nouvelle église est construite sur le thiers (endroit actuel). Mais cette nouvelle église est toujours délaissée par les curés successifs qui n’y célèbrent que la messe dominicale. Les messes quotidiennes et la plupart des sacrements sont célébrés dans le chœur de l’église primitive, démoli aux ¾ par l’Abbé de Saint-Jacques, Seigneur de BASSENGE en 1744 et reconstruit en chapelle par le curé BACQUET: c’est notre actuelle chapelle du Vî Mosti.
Si les curés veulent maintenir en état de service la vieille église transformée en chapelle au milieu du cimetière, c’est tout simplement parce que le vieux presbytère (aujourd’hui démoli et incorporé au cimetière) n’est qu’à quelques pas de la chapelle.
La lettre du curé LEUCHTENRATH.
Après la défaite de Napoléon, nous cessons d’être Français pour devenir Hollandais. Et le gouvernement hollandais s’interroge sur l’utilité de maintenir ouvertes toute une série de chapelles et d’oratoires.
Le curé LEUCHTENRATH va se battre pour garder ouverte et fonctionnelle la chapelle du Vî Mosti en écrivant au Grand Vicaire du Diocèse de Liège, en date du 4 avril 1819 une belle lettre argumentée dont voici un extrait :
“Nous avons l’honneur de vous exposer, Monsieur le Grand Vicaire, que l’an 1743 Mr le Révérendissime Abbé de Saint Jacques à Liège et décimateur de notre paroisse a fait batir une neuve église paroissiale dans une montagne fort inapte et d’une si grande distance de l’ancienne église et de la maison pastorale, que le Curé d’alors se voyait dans l’impossibilité morale de pouvoir aller dans toute sorte de mauvais temps tous les jours à cette église pour ÿ célébrer la Messe, et aussi des inconvéniens qu’il ÿ avoit pour l’administration des Saints Sacrements.
Il a acheté les matériaux de l’ancien Choeur et a fait rebâtire et aggrandir ce chœur à ses fraix pour en faire une chapelle de 30 pieds de longueur et de 20 de largeur à la même place où l‘ancienne église étoit, et où le cimetiere est encore, il ÿ a fournit l’autel, tous les ornéments nécessaires, les vases sacrés, et par son testament il a legué à cette Chapelle son Calice d’argent et fondé son anniversaire à cette même chapelle et à ses successeurs…
Ainsi les Curés s’en sont toujours servies les jours ouvrables, quand ils n’avoient point d’obligation à l’église paroissiale, surtout dans le temps d’hÿver et de pluie, à cause de la grande distance de la maison pastorale de l’église et des chemins impraticables quand il a plû…
C’est pour cela que nous nous adressons très humblement à vous, Monsieur le Grand Vicaire, afin que vous daigniez donner votre avis à Monsieur le Gouverneur de Maestricht pour la conservation de notre chapelle, elle est indubitablement nécessaire à un Curé de Bassenge.
Nous avons l’honneur d’être très respectueusement….. “
Le curé LEUCHTENRATH obtient satisfaction. La chapelle reste ouverte et fonctionnelle.
Le curé Gilles DEFOOZ (1833-fin 1843) continue comme ses prédécesseurs à utiliser principalement la vieille chapelle du Vî Mosti, au détriment de l’église construite sur le thiers. Il en sera de même pour le curé Corneille PREVINAIRE qui succède à DEFOOZ en 1844.
Le curé PREVINAIRE occupe toujours le vieux presbytère du cimetière, extrêmement vétuste et insalubre, malgré les aménagements des curés successifs au corps de logis, à la grange décimale, au pigeonnier, à l’étable.
Mais un événement inattendu va venir bouleverser les habitudes et les pratiques religieuses des curés. En 1843, meurt à BASSENGE dame Catherine LAMBERT, veuve de Henri FOUARGE. Elle est sans descendant et lègue à la fabrique d’église de BASSENGE une vaste maison d’habitation avec tous les bâtiments, jardin et prairies. Cette fermette deviendra le nouveau (et actuel) presbytère, avec les conséquences que l’on devine.
Le mois prochain: Les curés délaissent désormais la vieille église du cimetière.
Février 2015
Résumé des articles précédents
Depuis la construction d’une nouvelle église sur le thier (endroit actuel) en 1743, BASSENGE possède deux églises: la nouvelle église et l’ancienne église réédifiée en chapelle (du Vî Mosti) où se célèbrent la plupart des offices. Si les curés successifs maintiennent ouverte et fonctionnelle la vieille église du cimetière, c’est principalement parce que leur presbytère est juste à côté. Se rendre à la nouvelle église par le chemin boueux du Vinâve s’avère pénible, surtout en hiver.
Mais en 1843, meurt à BASSENGE dame Catherine LAMBERT….
Désormais, la vieille église du cimetière est délaissée.
Dame Catherine LAMBERT, veuve de Henri FOUARGE, décède en 1843. Elle est sans descendance et lègue à la Fabrique d’église de BASSENGE une vaste maison d’habitation avec tous les bâtiments, jardin et prairies. Cette fermette deviendra le nouveau (et actuel) presbytère.
Le curé PRÉVINAIRE, fraîchement nommé à Bassenge, écrit :
« La maison léguée par Dame Catherine Lambert était louée. Mais nous avons pris des arrangements avec le locataire qui a bien voulu résilier son bail, moyennant une petite indemnité. Cette maison nécessitait de grandes réparations. On a mis la main à l’œuvre. Les réparations ont coûté 1272 frs payés par la vente de l’ancien presbytère. Je suis entré dans le nouveau presbytère en avril 1844. »
Tout naturellement le curé PRÉVINAIRE va de préférence célébrer les offices à la nouvelle église, maintenant bien plus proche que la vieille église du cimetière.
Cette nouvelle église sur le thier, délaissée depuis sa construction en 1743, a maintenant 100 ans. Elle est dans un état déplorable. Les vieux bancs sont vermoulus. Le curé fait fabriquer 26 nouveaux bancs et trois devants d’autel en bois. Il place des stalles dans le chœur.
Les collectes spéciales et les dons ne suffisent pas à faire face aux dépenses. Avec l’assentiment du Conseil de Fabrique et le consentement des paroissiens, le curé vend quantité d’objets en or et en argent tels que croix et médailles, coupes et couronnes. Il achète un nouveau calice, un nouveau ciboire et des ornements pour la Vierge.
L’église est toujours en terre battue. Le curé la fait paver. Il place deux nouvelles cloches dans la tour après avoir fait fondre les deux vieilles.
Ce n’est pas tout : il achète de nouveaux vêtements liturgiques et quelques statues.
Enfin, il fait blanchir les murs à la chaux et peindre les lambris à l’huile.
Les travaux de restauration se terminent vers 1852. Abandonnée durant 100 ans, l’église est à présent propre, meublée, accueillante, tandis que la chapelle du Vî Mosti est à peu près délaissée.
Le curé PRÉVINAIRE n’est cependant pas au bout de ses peines. L’industrie des chapeaux de paille connaît à cette époque un prodigieux essor et la population augmente considérablement. L’église à peine remise en état s’avère trop petite. Elle n’a qu’une nef et les deux messes dominicales ne suffisent plus à accueillir les paroissiens.
Rendons la parole au curé PRÉVINAIRE :
« Le 9 avril 1853, est décédé dans notre paroisse Monsieur Jacques Bertrand Fraikin, célibataire, président du Conseil de Fabrique. Pendant sa maladie, je lui parlai de l’agrandissement de notre église, des difficultés pour y parvenir, vu le peu de ressources de la fabrique. Il me promit une somme de 3.000 frs, et chargea ses frères de me donner cette somme.
Je fis part de cette bonne nouvelle aux membres du Conseil de fabrique et de la commune.
J’écrivis à Mr Jamine, architecte provincial, le priant de se rendre à Bassenge pour examiner le bâtiment de l’église, et nous faire un plan d’agrandissement. Vu les observations de l’architecte, le Conseil de fabrique et le Conseil communal furent unanimement d’avis de bâtir une nouvelle église. »
Le 17 août 1856, le Conseil de Fabrique prend la délibération suivante :
« Considérant que l’église, à cause de son peu d’élévation sur plafond plat et par-dessus tout son exiguité, n’est pas en rapport depuis longtemps avec la population, et qu’un agrandissement ne répondrait pas aux besoins, le Conseil de Fabrique d’église de Bassenge décide de construire une nouvelle église. »
Ce sera notre église actuelle.
Le mois prochain: La chapelle du Vî Mosti connaît son ultime moment de gloire.
Mars 2015
Résumé des articles précédents
La chapelle du Vî Mostî, plantée au milieu du cimetière de BASSENGE, est en fait le chœur réédifié de l’église primitive. Cette vieille chapelle a gardé les faveurs des curés successifs qui habitaient l’ancien presbytère situé à proximité de la chapelle. Utiliser cette vieille église du cimetière est, pour les curés, bien plus commode que de se rendre à la nouvelle église construite en 1744 sur le thier (endroit actuel) trop éloigné de la maison pastorale.
Mais en 1843, dame Catherine LAMBERT lègue par testament à la Fabrique d’église de BAS-SENGE une belle maison d’habitation avec dépendances, qui devient le nouveau (et actuel) presbytère. Dès lors, il est bien plus facile pour les curés, de se rendre à la nouvelle (sic!) église (elle a déjà 100 ans!) que de continuer à célébrer messes et sacrements à la vieille église du cimetière qui va peu à peu entrer en léthargie.
La chapelle du Vî Mostî connaît son ultime moment de gloire
L’église sur le thier est enfin – après 100 ans – blanchie, pavée, meublée et dotée du Saint Sacrement. Mais le curé PRÉVINAIRE doit se rendre à l’évidence: la population a considérablement augmenté en un siècle, entre autres grâce à l’essor prodigieux de l’industrie de la fabrication des chapeaux de paille, et l’église qui n’a qu’une nef est désormais bien trop petite.
Le 17 août 1856, le Conseil de Fabrique, en accord avec la commune, décide la construction d’une nouvelle église, au même endroit. Ce sera notre église actuelle. Toutefois, faute de moyens, on garde la tour de l’église antérieure qui ne sera exhaussée qu’en 1914-1916.
Le 1er mars 1857, on porte solennellement le Saint Sacrement et la statue de la Sainte Vierge à la chapelle du Vî Mostî qui va connaître de nouvelles heures de gloire.
La démolition de l’église commence le mercredi 4 mars 1857 et durant toute cette année 1857, les offices et sacrements sont célébrés, comme jadis, à la chapelle du Vî Mostî, flanquée d’un grand hangar fabriqué avec les planches provenant du toit de l’église en démolition.
Mais ce n’est pour notre vieille chapelle que le chant du cygne, car, dès que les murs et la toiture de la nouvelle (et actuelle) église sont terminés, le Saint Sacrement est ramené de la vieille chapelle du cimetière à l’église. La bénédiction du nouvel édifice a lieu le 23 décembre 1857 et la messe y est célébrée pour la première fois à la Noël de la même année.
Cette fois, la chapelle du Vî Mostî est définitivement abandonnée. Cependant, trois fois par an, les curés successifs PRÉVINAIRE, NOUWEN, BOURGUIGNON, RUBENS, LIBIN y célèbrent la messe à l’occasion des fêtes de Notre-Dame des sept douleurs, de sainte Anne et de sainte Barbe, trois saintes honorées dans la chapelle. Lors des Rogations, ils y chantent le «De Profundis». Ces traditions ont pris fin vers 1960, au temps du curé HOGERS.
Les années succèdent aux années. Le temps qui passe et les intempéries accomplissent leur œuvre destructrice. Les murs de la vieille chapelle se fissurent puis se fendent, des pans entiers de plâtre tombent, les vitres se brisent, le clocheton et les charpentes sont vermoulus, la toiture ne retient plus la pluie, les éléments en tuffeau sont complètement rongés. C’est la ruine. En 1982, il est question d’abattre cet antique édifice devenu dangereux.
C’est alors que le Centre Culturel de BASSENGE, allié au Musée d’EBEN, entreprend les démarches auprès des autorités pour sauver la chapelle. La commune est au regret de constater qu’elle n’en est pas le propriétaire. La Fabrique d’église s’avoue démunie de moyens, mais elle autorise le Centre Culturel à entreprendre les travaux de restauration, estimés à un million de Fb.
Le Centre Culturel de BASSENGE, efficacement soutenu par le musée d’EBEN, par le spécialiste du tuffeau Henry HARDY et par tous les habitants désireux de sauver la vieille chapelle, relève le défi. À partir de novembre 1982, les activités culturelles et les collectes au profit de la restauration de la chapelle se multiplient. Et dès 1984, les travaux commencent.
Le mois prochain: La chapelle du Vî Mostî sauvée de la ruine.
Avril 2015
Résumé des articles précédents
Il est incontestable qu’au 8ème siècle et sans doute plus tôt, chaque village de la Vallée du Geer possédait son église. Au début, c’est un édifice en bois qui rassemble la Communauté chrétienne. Vers l’an 1000, des églises en pierre se construisent un peu partout.
À BASSENGE comme ailleurs, l’édifice en pierre est planté au milieu du cimetière.
En 1744, l’abbé de St-Jacques, Seigneur de BASSENGE, construit une nouvelle église sur le thier (endroit actuel). Cette église est délaissée durant 100 ans par les curés et les fidèles au profit du chœur de l’antique église réédifié en chapelle.
Mais en 1844, le curé PRÉVINAIRE vient habiter le nouveau et actuel presbytère (une fermette léguée par Catherine LAMBERT). Il délaisse la vieille église du cimetière pour l’église sur le thier, bien plus proche du presbytère (actuel).
Notre vieille chapelle du cimetière appelée aussi “La chapelle du Vî Mostî” ou encore “La chapelle des âmes”, abandonnée, tombe en ruine. En 1982, il est question d’abattre cet antique édifice devenu dangereux.
La chapelle du Vî Mostî sauvée de la ruine.
Le Centre Culturel de BASSENGE, à l’occasion de son 10ème anniversaire, décide de sauver la vieille chapelle, patrimoine exceptionnel de notre histoire locale.
Les activités culturelles et les collectes au profit de la restauration de la chapelle se multiplient.
Il faut récolter 1.000.000 de FB.
Chaque année, grâce à la participation et à la générosité des Bassengeois, une tranche de travaux est réalisée.
1984
- Consolidation des fondations.
- Un mur de béton armé d’un mètre de profondeur et de 50 cm de large ceinture la chapelle et la stabilise.
- Une belle croix en pierre est scellée dans le mur.
- L’entreprise LEPOT offre le gravier. MM. PAQUAY et SCHIEPERS nous procurent gratuitement le ciment.
- Le déjointoyage de la partie inférieure commence.
1985
- Le toit de la partie en briques est recouvert d’ardoises. Le travail est offert par Alain BESKENS.
- Démontage du clocher. La restauration de la boiserie est confiée à André RISKIN et le recouvrement en ardoises à Raymond TILKIN. La descente du clocher (et le replacement l’année suivante) est effectuée par une grue des entreprises RICHARD. Tout cela gratuitement.
- Le cadran solaire est restauré par Freddy CLOSE et Monsieur BOSARD.
- Une deuxième croix en pierre est placée dans le mur sud.
- Le déjointoyage et le rejointoyage des murs se poursuivent.
1986
- Le grand toit est recouvert d’ardoises. Alain BESKENS offre son travail. – Le clocher restauré est replacé.
- Le lustre à bougies est restauré gratuitement par A. SCHIEPERS.
- Grâce à de savantes manœuvres de M. Van GASTEL, de grosses poutres sont placées dans la chapelle et la charpente est consolidée.
1987
- Toute la charpente et le plafond en bois reçoivent deux couches de protection.
- Le déjointoyage et le rejointoyage extérieur se terminent.
- La restauration des murs intérieurs commence.
1988
- Après les fouilles effectuées par Freddy CLOSE, (dont nous reparlerons), le sol de la chapelle est recouvert de 15 cm de béton armé. Le béton est offert par Interbéton (Charles BOULANGER et Henri HOUCMANT)
- Le camion-pompe est commandé et offert par les entreprises RICHARD.
- Des blocs de tuffeau de première qualité sont achetés dans une carrière en Hollande, et ramenés à BASSENGE par un camion de la commune.
1989
- Henri HARDY remplace les 2 colonnes angulaires et restaure le pignon en tuffeau.
- Le retable en bois est confié à Antoine STASSEN qui le décroche et le restaure.
- Les pavés sont offerts par un Bassengeois anonyme et pacifique et placés gratuitement par Jean-Luc DOUTREWE.
1991
- 2 splendides vitraux d’une valeur de 120.000 FB. chacun, sont réalisés par Jos VOS. Le premier représente le curé NOUWEN (curé de BASSENGE de 1875 à 1902), grande figure du village, défenseur des tresseuses, fondateur des écoles de la paille, du Petit Lourdes, d’un hospice, d’une société mutuelle, d’une école ménagère, etc… Le curé NOUWEN est représenté à côté de la Vierge du Petit Lourdes et d’une tresseuse. Il est offert par un généreux Bassengeois qui demande à rester anonyme. Le deuxième vitrail, offert par Madame Yvonne PETERS, représente l’Abbé de St-Jacques, Seigneur de BASSENGE, remettant la chapelle aux habitants du village, en 1743. Le vitrail est évidemment symbolique. En fait, l’Abbé de St-Jacques ne remet pas la chapelle dans l’état actuel, mais remet aux habitants le chœur de l’église primitive en démolition. Et ceux-ci la réédifieront en chapelle.
- Le seuil et la porte d’entrée sont rénovés.
- Madame A. MAWET-BOULLE réalise les stations du chemin de la croix et une tête de Christ en bois sculpté placée sur fond de tuffeau par Henri HARDY.
- C’est encore Henri HARDY qui réalise et offre le splendide socle du tabernacle en tuffeau et la plaque commémorative en pierre de taille.
- La chapelle reçoit une dernière couche de peinture.
- La statue de Notre-Dame des Sept Douleurs est restaurée par Jean BLAFFART.
- Les statues de Ste Anne et de Ste Barbe sont restaurées par Mme A. MAWET-BOULLE.
Un homme était présent, du début à la fin : Gustave SWERTS, gardien des lieux.
Freddy CLOSE, conservateur du Musée d’EBEN, nous a sensibilisés à la valeur historique et culturelle de la chapelle, mais aussi à son état désastreux. Il a participé à tous les travaux de restauration.
Le Comité du Centre Culturel, qui a entrepris les travaux en 1984, était composé de : Christine HERBILLON, présidente, Lucien VANSTIPELEN, secrétaire, Pol HERBILLON, trésorier, William et Colette MALHERBE, Guy et Dédy DAGORNO, André et Anne TILKIN, José et Madeleine RAQUET, Andrée DELINCÉ, Annette MAWET-BOULLE, Anne MAWET-HERBILLON, Mimie VISSERS, Lucien DOUTREWE.
De nombreux bénévoles se sont joints à eux pour restaurer la chapelle. Qu’ils trouvent ici l’expression de la gratitude de tous ceux qui sont sensibles à la sauvegarde de notre patrimoine.
À suivre.
Mai 2015.
Résumé des articles précédents
La chapelle du Vî Mosti plantée au milieu du cimetière de BASSENGE, appelée aussi “chapelle des âmes” est en fait le chœur réédifié de l’église primitive. Berceau du village, elle a connu une histoire bien mouvementée.
Lorsqu’en 1744, une nouvelle église est construite à l’endroit actuel, contre l’avis du curé et des paroissiens, la vieille église du cimetière est démolie. Seule subsiste une partie du chœur réédifiée en chapelle qui garde les faveurs des curés successifs et des fidèles.
Durant 100 ans, la nouvelle église est délaissée au profit de la chapelle du Vî Mosti.
En 1844 lorsque le curé PRÉVINAIRE vient habiter l’actuel presbytère, la nouvelle église, plus proche, est préférée à la vieille chapelle du cimetière qui peu à peu tombe en ruine.
Dans le dernier article, nous avons détaillé les travaux de restauration entrepris par le Centre Culturel de BASSENGE de 1983 à 1991 pour sauver la chapelle.
Les fouilles du Musée d’EBEN
Le Musée d’EBEN a participé activement à la restauration de la chapelle. À l’occasion des travaux, Freddy CLOSE a effectué des fouilles archéologiques dans la chapelle, mettant à jour, entre autres, deux sarcophages monolithiques (en pierre).
Ces sarcophages, situés à 1,30 m de profondeur ont été pillés et brisés en partie lors de l’édification de l’église primitive en pierre remplaçant la première église en bois.
“Ces sarcophages, commente Freddy Close, bien que réservés à une certaine aristocratie, ont été réalisés en grand nombre à partir de la fin du 6ème siècle, début du 7ème siècle. Mais c’est surtout entre le 8ème et le 10ème que leur usage s’intensifie partout dans la région.”
L’inauguration de la chapelle restaurée
C’est au cours du week-end des 27 et 28 avril 1991 qu’a eu lieu l’inauguration officielle de la chapelle restaurée. Voici les points principaux du programme :
Samedi 27 avril 1991 :
À 18h à la chapelle : Messe d’action de grâce présidée par monsieur le Vicaire Général Karl GATZWEILLER.
Après la messe, réception et vin d’honneur avec la participation des “Djoyeux Mineus d’A-rèdje”.
Dimanche 28 avril 1991:
À 15H, Concert de Clarinettes par le trio César FRANCK avec la participation de J.P.MAWET et de D. TOCCOGNA.
À 16H, Conférence par Monsieur le Vicaire Épiscopal François DABIN : “Quel avenir pour les paroisses de la Vallée ?”
Une merveilleuse aventure
Tous ceux qui ont participé à la restauration de la chapelle du Vî Mosti en gardent un souvenir inoubliable. Les compétences de chacun, le dévouement, le travail d’équipe, l’amitié, la convivialité ont réalisé des merveilles.
Voici quelques extraits du texte composé par Henri HARDY, le spécialiste du tuffeau, qui s’est investi à fond dans les travaux de restauration : … “Nous avons fait un beau voyage, avec pour cela un bien beau moyen de locomotion : un navire ! Car, l’aviez-vous remarqué, amis ? Dans une église, une chapelle ou une cathédrale, beaucoup d’appellations nous ramènent au navire…le bâtiment, la nef ou le vaisseau qui en est la partie centrale.
Regardez donc la toiture ! Tout l’assemblage des poutres et des fermes ! La forêt… disent les charpentiers. C’est un bateau, quille en l’air ! Et pourquoi pas ?…”
…”Nous voici arrivés au port, à un port, sur une île. Sur cette île, où des hommes de bonne volonté, ont œuvré en frères, en compagnons, (ceux qui partagent le Pain et le Vin !). Des hommes de tous bords ont oublié, pour l’œuvre, leur étiquette, leurs querelles.
‘Tout ce qui monte, converge’ dit le philosophe Pascal.
Nous ne nous savions pas si riches ! Riches d’amitié, de fraternité, riches de peines, de tristesse aussi. Rien n’est inutile, tout est apprentissage. Les semailles furent laborieuses et belles, la moisson l’est aussi.
Connaissance, sensibilité, activité : voici les trois piliers, les trois rayons divins, disent les triades bardiques. Dans un monde déshumanisé, où ‘aussitôt fabriqué, aussitôt bon à jeter !’, nous, ici, nous avons œuvré.
Travailler, œuvrer, c’est laisser une trace dans le temps et l’espace. C’est participer au grand dessein. C’est mettre son empreinte et son âme, et pour longtemps, sur et dans quelque chose. C’est faire du sacré, ce n’est pas perdre son temps, c’est le gagner. C’est servir.
Nous n’avions rien, mais nous avons été.
L’artiste crée l’œuvre, et l’œuvre crée l’artiste. Mais là où pousse la fleur, là est le jardinier. ‘Que quelques-uns se réunissent en mon nom, je serai au milieu d’eux’ dit un jour Celui qui est. ”
…”Le travail est une prière. À chacun sa prière, sa vérité.
Oui, nous arrivons aujourd’hui au port. Mais un port, s’il est un endroit où l’on arrive, c’est aussi et surtout un endroit d’où l’on repart. Il ne faut pas s’y attarder outre mesure. Profitons-en pour réaffûter nos outils, et puis…
Et puis, l’œuvre nous attend. L’œuvre est en nous et nous sommes en l’œuvre. Soyons d’humbles outils. Tendons de nouveau nos voiles, relevons les ancres, nous ne sommes que de passage.
Un ouvrier sert. Il ne se sert pas. Il ne peut être asservi.
Poursuivons notre quête initiatique.
L’important n’est pas de faire comme au temps des cathédrales, ni comme au 17ème ou 18ème siècle. L’important est de retrouver l’esprit qui a permis que cela existe….
Je dédie mon travail aux hommes de bonne volonté, aux humbles, à ceux qui peinent, à ceux qui sont frères, au métier et à ceux qui le servent, à mon ami Lucien, à l’œuvre, à celui qui vient. J’ai dit ! ” – Henri HARDY.
La Fondation Roi Baudouin
La Fondation Roi Baudouin, sensible à l’effort de tout un village pour conserver son patrimoine historique, nous a octroyé à l’occasion de l’inauguration un important subside.
Après l’inauguration
Deux travaux sont encore menés à bien par le Centre Culturel de BASSENGE :
En décembre 1991 : placement des paratonnerres.
En juin 1992 : installation électrique.
Après ces derniers travaux, le Centre Culturel a rendu la chapelle à la Fabrique d’église. Durant de très nombreuses années, des bénévoles se sont relayés pour entretenir la chapelle.
Actuellement, suite à un accord passé avec la Fabrique d’église de BASSENGE, c’est la commune qui gère ce haut lieu de notre patrimoine et qui en assure l’entretien.
FIN.